Le docteur Jean Edward Ruffier

Le docteur Ruffier

Sportif toute sa vie - natation, escrime, boxe, lutte, jiu-jitsu-, il fut surtout un constant utilisateur de la bicyclette. Médecin, c'est à vélo qu'il sillonnait Paris pour visiter ses clients. A 80 ans, il descendait encore de Paris à Cannes à bicyclette.

Il fonda, rue de la Victoire à Paris, un Institut de Culture Médicale et, à Cannes, le Bocage, maison de cure gymnique pour enfants et adolescents.

En 1940, il fut aussi le médecin du Collège National de moniteurs et d'athlètes d'Antibes.

Il a écrit de nombreux ouvrages pour diffuser ses idées et ses techniques, tant en matière de Culture Physique Fondamentale que de pratique raisonnable des sports et d'emploi judicieux de la gymnastique médicale pour traiter la plupart des infirmités, impotences et maladies chroniques.

Ces divers travaux lui ont valu d'être promu Chevalier de la Légion d'Honneur en 1950, Commandeur de l'Ordre du Mérite en 1957, et d'obtenir, en 1959, le Prix Littéraire décerné par l'Association des écrivains sportifs.

Si le docteur J.E. RUFFIER, décédé en 1964 à l'âge de 90 ans conserve encore nombre d'adeptes, c'est qu'il fut un personnage exceptionnel, doué d'un grand rayonnement. Sa devise était : « la santé se mérite et se conquiert » et sa méthode, « la Culture Physique Fondamentale » a le mérite d'être simple et peu coûteuse : une barre ou une paire d'haltères.

Des informations sur la méthode, une séance type, l’autocontrôle et le test cardiaque établis pour le docteur Ruffier sont disponibles sur le site web de la FECPF (FéDéRATION EUROPéENNE DE CULTURE PHYSIQUE FONDAMENTALE) : http://www.gymruffier.com

Des informations sont également disponibles sur le blog de la Fédération : http://gymruffier.over-blog.com/

Photo hommage et souvenir : le Dr J.E RUFFIER, réparation au bord de la route, en 1949, il a 76 ans. Photo hommage et souvenir : le Dr J.E RUFFIER, réparation au bord de la route, en 1949, il a 76 ans.

1.

Plusieurs épisodes seront nécessaires pour faire connaissance avec ce personnage qui a incontestablement marqué l’histoire de la bicyclette, et cela, à plusieurs titres.

Les quelques lignes qui suivent, dues à René CHESAL, sont une caricature qui donne une idée, trace un rapide portrait de ce cycliste passionné, écrivain, pédagogue, force de la nature s’il en fut, un original aussi, l’un des plus ardents avocats de “ la petite reine ”.

“ RUFFIER est une machine à calculer les coups de pédales, les battements de son cœur, les soufflets de ses poumons et le plein de son estomac.

Tant pis si un garde boue frotte (dès lors, il l’enlève), si une manivelle grince (il enfonce la clavette avec une pierre et oublie de serrer l’écrou avec une clé qu’il n’a pas). Le principal est qu’il voie, qu’il sue, mange au pied d’un arbre à midi, dîne et dorme le soir à l’hôtel. • que voulez-vous mon pauvre homme ? • faire honneur à un festin et reposer dans la meilleure chambre de votre hôtel... mon nom est James RUFFIER.. • entrez, j’avais cru... • croyez ma bonne dame...

Nettoyé, frictionné, il pourrait songer à son vélo, laissé dans la cour... Que non, déjà il s’enflamme pour un récit littéraire, écrit d’une main assurée, étale sur le papier ses remarques... RUFFIER ne serait pas l’apôtre de la bicyclette s’il lui prenait l’idée d’avoir un vélo dernier cri...

Va comme tu es, dit-il... ”.

Des avis unanimes

Lors de sa disparition, en 1965, de nombreux témoignages soulignent son engagement et sa compétence.

Ainsi, J-F. BRISSON, dans le FIGARO titre : “ le Docteur RUFFIER, un exemple ”. Le journal L’EQUIPE précise : “ une des grandes personnalités du monde sportif. Il était qualifié pour proclamer que la bicyclette constituait un élixir de longue vie ”.

Selon Charles ANTONIN, ancien Président de la FFCT, “ il fut le meilleur, le plus pur, le plus fidèle propagandiste de la bicyclette ”. Le Docteur Philippe MARRE ajoute :“ la mort du Dr RUFFIER est une perte irréparable pour le cyclotourisme ”. Quant à Henri de la Tombelle, il déclare que “ le Docteur RUFFIER est et demeurera comme le plus notoire et le plus irréductible défenseur de la pratique de la bicyclette ”

Qui était ce cycliste peu ordinaire ?

Il descendait d’un aïeul vétérinaire à Saint-Claude, dans le Jura. Ce travailleur acharné avait émigré avec femme et enfants au Brésil, et s’était installé sur une île déserte, près de Rio de Janeiro. Il épuisait au labeur tous ses proches et son fils, le futur père de James, profita d’une mission à Marseille pour trouver d’excellentes raisons de rester... en France.

C’est ainsi que James RUFFIER est né à MèZE, dans l’Hérault, un beau jour de juin 1875. Il allait être l’aîné de quatre garçons, tous bâtis en hercules et dotés d’appétits gargantuesques. Plus tard, l’épouse de notre héros devait qualifier cet appétit d’effrayant. James avouait d’ailleurs ignorer les principes et commandements de VELOCIO : “ Comment boire avant d’avoir soif et manger avant d’avoir faim, lorsqu’on a tout le temps soif et faim ? ”

Contrairement à ses frères, non seulement il résista à ses excès gastronomiques, mais fut alerte jusqu’à 86 ans, âge auquel une vue déficiente lui fit abandonner la bicyclette. Mais il resta fort, musclé, et surtout d’une grande et étonnante lucidité jusqu’à sa mort survenue 4 ans plus tard, dans sa 90ème année.

Lorsqu’on demandait son secret à cet infatigable pourchasseur de la paresse, il répondait : “ pratiquez chaque matin votre culture physique, roulez à vélo tous les jours, ne fût-ce qu’un peu. Livrez-vous à l’étude et méditez. évitez les excès et reposez-vous de temps en temps. C’est ainsi que l’on se maintient en bonne santé, alerte et lucide ”.

Comme nous le verrons en parcourant sa longue vie de militant de la bicyclette, il est vraiment permis de se demander ce qu’il entendait par “ évitez les excès ”.

Croyez-moi, vous ne vous ennuierez pas en lisant les prochains épisodes de cette saga.

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2.

Une vie hantée par le démon de la bicyclette

James RUFFIER entreprend ses études de médecine en 1893 mais, déjà hanté par ce fameux démon, il passe le tiers de son temps à vélo. Quatre ans plus tard est venue l’heure d’effectuer son service militaire. Affecté comme médecin au 129ème Chasseur Alpin à Grenoble, il se débrouille pour s’évader chaque soir de 5h à 7h avec sa bicyclette. C’était l’époque où l’on effectuait les descentes en remorquant un fagot qui faisait office de frein ; le système était relativement efficace mais il avait l’inconvénient de soulever un impressionnant nuage de poussière !

C’est ainsi qu’il prend goût au vélo en montagne et que, sa forme lui donnant confiance, il fait le pari d’effectuer le trajet Grenoble - Bourg d’Oisans et retour, soit 100 kilomètres , en 4 heures (rappelons que nous sommes en 1897 !) Il réussit ce défi. Muté dans le Queyras, à Guillestre où les Chasseurs Alpins construisent la route du col de Vars, il découvre les Alpes du Sud...

Libéré à l’automne 1897, il regagne Paris où son père lui ordonne d’étudier sérieusement sa médecine... ou de travailler avec lui. Il reprend donc ses études avec conscience, sans interrompre toutefois son entraînement cycliste.

Avançons d’un grand pas pour nous retrouver en 1914. C’est la grande, l’horrible guerre. Médecin aux armées, il part en octobre 1915 en Argonne où il fait venir son épouse, à Bar-le-Duc, à 40 km de son lieu de garnison. Il part chaque soir la retrouver à bicyclette, ce qui lui fait quotidiennement 80 km ; cela paraît si invraisemblable que personne ne peut l’imaginer. Il faut ajouter que, dès 1914 et après de multiples démarches, il avait obtenu de l’autorité militaire de laisser le cheval affecté aux médecins pour circuler à bicyclette, prétextant d’une plus grande liberté de mouvement et davantage de rapidité dans ses déplacements, d’autant que cette pratique lui permettait d’affûter sa condition physique. Dès lors, nul ne trouvera suspect de croiser ce drôle de médecin sur deux roues !

Après la bataille de Verdun, il se retrouve affecté au Centre des Mutilés à Bordeaux, où il restera 1 an puis, en avril 1917 à l’hôpital de La Chapelle-Saint -Mesmin, près d’Orléans (il connaît la région pour avoir été interne à l’hôpital d’Orléans), enfin, en juin 1918, à Fontainebleau au Centre Régional d’Education Physique où il ne fera que soigner plaies et bosses mais où, étant à proximité de chez lui, sa bicyclette lui permet de faire de nombreux déplacements et de s’occuper de la réouverture prochaine de son “Ecole de Culture Physique”.

A ce propos, projetons-nous d’une guerre à l’autre... Nous voici en 1940 : James RUFFIER transporte son Centre de Culture Physique sur la Côte d’Azur, dans une grande villa de l’avenue de Grasse, à Cannes. Nommé en décembre médecin au Collège National de Moniteurs et d’Athlètes d’Antibes, il s’y rend bien entendu à bicyclette, au grand étonnement de ses supérieurs qui ne conçoivent que difficilement, vu son âge, qu’il puisse faire les trajets (25 km chaque jour) à vélo. S’ils avaient su qu’en réalité il faisait le plus souvent de longs détours ! Cependant, ses principes d’éducation physique n’y étant pas correctement enseignés, il ne tarde pas à ne sentir d’aucune utilité. Il se désolera que, de 1940 à 1943, parmi les 3000 sportifs qu’il a vu passer, aucun n’ait eu l’envie de faire du cyclotourisme, n’ait eu la curiosité de rouler dans cette magnifique Côte d’Azur. Il se lamente d’ailleurs de leur mauvais état physique ! Cette nomination lui permettra cependant de se nourrir correctement, malgré l’époque, “ de dévorer sa part de nourriture,” car remarque-t-il, “on ne peut rien faire contre les profiteurs”. Atteint par la limite d’âge et relevé de ses fonctions, n’ayant plus rien à faire au “Bocage”, il vend aux enchères mobilier et matériel et regagne Paris.

Bien entendu, pendant cette période et en plus de ses activités de médecin au collège, il a beaucoup circulé autour de Cannes, initié nombre de dames dont les maris étaient mobilisés, en les prenant sur son tandem pour des sorties de 50 à 75 km. Et de retour à Paris, comme tant de Français en ces temps de vache maigre, il a utilisé sa chère bicyclette à la recherche de ravitaillement.

En 1950, il est enfin reconnu et honoré. Il est nommé Chevalier de la Légion d’Honneur. En 1958 il a quatre-vingt-trois ans ; l’heure de la retraite a sonné. Il rejoint cette Côte d’Azur chère à son cœur. On le retrouve à la sortie de Cannes, sur la RN 7, en sa villa “l’Esterel”. Il fait de la bicyclette, il écrit : il est heureux !

Nous reviendrons sur plusieurs aspects de sa vie, de médecin, de cycliste, d’écrivain, de chercheur... mais achevons cet épisode par ses relations avec... l’automobile !...

Un automobiliste à son corps et cœur défendant

Nous sommes en 1925. Après les mésaventures d’un voyage en Corse à tandem (nous aurons l’occasion d’y revenir), son épouse ne veut plus entendre parler de deux roues. Il doit se résoudre à passer le permis de conduire et il conduira une douzaine d’années.

“ L’automobile, poison de ma vie. Il fallut bien en acheter une puisqu’en cette année 1925, le bonheur des gens, et surtout des femmes, ne pouvait se concevoir sans la possession d’un de ces carrosses. Avoir sa voiture était le rêve, le désir obsédant de toutes les vanités... Si l’automobile avait été gratuite et obligatoire, combien de gens l’auraient trouvée agréable !?”

Cette auto qu’il détestait et qui, un an après son retour sur cette Côte d’Azur tant aimée, lui ravit son épouse. Le 11 avril 1959, à 83 ans, celle-ci est fauchée devant son domicile... par une voiture.

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3.

James RUFFIER le médecin

Comme nous l’avons vu, il commença ses études de médecine en 1893. Il les termina en 1900.

Il remplace alors un médecin aux Montils, près de Blois, avant de s’installer à Argenteuil puis à Courbevoie. Il fait bien entendu ses visites à bicyclette et pendant 5 années, en tricycle, engin qu’il juge formidable, idéal pour la ville où l’on fait de courts déplacements à faible allure.

Dès 1905, pesant 101 kg pour 1,80 mètre (taille remarquable pour l’époque), il se décide à faire davantage d’exercices dont de la culture physique. Il y prit goût et y trouva sa voie professionnelle.

Il s’installe à cette date dans un entresol, rue Helder, et devient sans doute le premier et l’unique médecin spécialisé en culture physique médicale. Puis se sentant à l’étroit, ce sera son second centre de la rue de la Victoire qui, le succès aidant, lui fera surélever l’immeuble d’un troisième étage.

Il est un partisan convaincu de la médecine préventive ; pour lui, les divers examens médicaux font souvent des malades imaginaires. La meilleure des préventions, c’est l’exercice. La santé se mérite et se conquiert. Elle commence dès le plus jeune âge par la marche, un des meilleurs exercices qui soit, laquelle, sans charge excessive, facilite la croissance.

Et puis il y a la bicyclette !

Il considérait celle-ci comme une des meilleures activités physiques, y compris pour la femme, excepté pour certaines maladies qu’elle aide cependant à déterminer, se presse-t-il d’ajouter. Comme le disait un de ses amis, « on ne sait pas de quelle lésion il eut fallu être atteint pour qu’il considère le cyclisme comme contre-indiqué ».

Il était pour l’effort, « contre la paresse, ce fléau », était persuadé que l’exercice est « le seul remède contre le vieillissement », pensait qu’il faudrait « rendre le travail manuel obligatoire quelques années avant d’accéder à certaines fonctions administratives, commerciales, libérales… que l’auto devrait laisser sa place aux transports en commun pour les vieillards et infirmes et que la bicyclette devrait être le moyen de transport pour les usagers courants ».

Il recommandait donc de faire du sport, le vélo étant l’un des mieux adaptés, jusqu’à 80 ans, en citant l’ex-tour de France Gauban qui, à 80 ans, grâce à la bicyclette, se permettait encore de faire du trapèze (pour la petite histoire, précisons que celui-ci s’est tué pendant l’un de ses exercices, la corde s’étant cassée).

Ce qui l’amenait à ces conclusions : « lorsqu’on arrivera à un actif pour un retraité, on ne pourra plus jouir de la vie que dans le second cas, les premiers accablés de besogne n’ayant plus le temps ni le goût pour s’amuser. La retraite prématurée abrège la vie en la faisant oisive. Le surmenage est le résultat d’un manque d’efforts ». Il constatait en outre : « une foule de gens sont persuadés que l’on est heureux si l’on se porte bien, et ils se conduisent comme ceux qui croient au paradis et agissent de façon à ne pas le mériter ».

James Ruffier était donc favorable aux choses simples : « roulez en buvant beaucoup d’eau, mangez du sucre, même en très grande quantité, lors d’efforts intenses, mais bannissez le dopage. Il ne donne pas plus de forces aux médiocres que d’intelligence aux imbéciles ». Il s’agissait à l’époque des amphétamines. Sa méthode de culture physique fondamentale avait le mérite (ou le défaut ?) d’être simple et peu coûteuse : une paire d’haltères et (ou) une barre.

Ajoutons qu’il était « contre les médicaments, les laboratoires et les pharmaciens qui imposent leurs vues aux médecins ». Tout ceci le faisait considérer aux yeux de ses confrères comme un dissident, descendu au rang d’instructeur de gymnastique. Ceux qui reconnaissaient le bienfait de ses méthodes disaient « quand on vous envoie un malade, on ne le revoit plus ! » ; les autres ne lui adressaient pas de clients car il se refusait à leur verser une commission. Ceci par principe et aussi, car cela lui aurait fait augmenter ses honoraires et privilégier ainsi une clientèle aisée, à ses yeux la moins crédible.

C’est donc avec tristesse que dans les années 50, avec l’avènement du vélomoteur, le retour en force des autos, des engins de toutes sortes pour faire le travail, et autres progrès allant contre la nature de l’homme, il constate le déclin de sa chère bicyclette, qu’il juge irréversible jusqu’au jour où l’on s’apercevra qu’il faut faire de l’exercice pour bien se porter. « Ce jour-là on reviendra peut-être à la bicyclette, mais dans combien d’années ? 20, 50 ans ? ».

On ne peut clore ce chapitre sans rappeler qu’il fut, avec les Docteurs RONNEAUX et L’AURENCHE le cofondateur et le vice-président de la « Société d’études médicales du cyclisme » où il donnera des conférences comme celle de mai 58 consacrée à la guérison par la bicyclette d’une hernie (musculation abdominale).

En 1912, il fut l’un des deux créateurs de la revue « FORCE » (à laquelle collabora Louis HEMON, l’auteur de Maria Chapdelaine) laquelle sera remplacée, dès 1913, par « PORTEZ-VOUS BIEN », nom déjà donné à une courte expérience précédente. Cette publication disparut, comme bien d’autres, avec la guerre de 1914. Puis ce fut « PHYSIS » dont il assura seul la rédaction à partir de 1919, s’adressant tout d’abord aux médecins puis au public ordinaire dès 1927 sous la forme d’un supplément trimestriel. Elle deviendra bimestrielle puis mensuelle avant, là encore, une nouvelle interruption due à la seconde guerre mondiale. Après celle-ci, la publication reprendra tout d’abord sous la forme d’une simple feuille pour, en 1956, atteindre 16 pages avec la « une » en couleur. Le 350ème numéro est daté d’octobre 1964.

http://ct-berruyers.voila.net/grand_bi/gdbi_juin04/ruffier.htm

4.

RUFFIER le cycliste

Photo hommage et souvenir : le Dr J.E RUFFIER sur son vélo

C’est à onze ans, en 1886, que James RUFFIER donne ses premiers coups de pédale, sur des tricycles ou quadricycles d’un poids invraisemblable. Dès 1890, il loue à Argenteuil, chez Chenard qui devait se faire un nom dans l’industrie automobile, une bicyclette qui, malgré son type primitif et ses 20 kg, lui permet de faire des excursions de 60 à 100 km.

Deux années plus tard, ayant obtenu son Bac, son père lui offre une bicyclette HUMBER à pneus, de 12 kg, avec laquelle il fait et gagne quelques courses et fait ses premiers voyages en Normandie, Belgique, Savoie.

Encouragé par ses premiers succès, il se fait construire une CHANON de 10 kg sans freins (à cette époque, on freinait encore souvent avec le pied, parfois dans la fourche). En 1899, il se distingue avec une TRIUMPH anglaise de 9 kg. Notons au passage que ce n’est que vers 1905 que l’on se mit à fabriquer, à bas prix et d’un poids élevé, ce que l’on a par la suite appelé « le cheval du pauvre ».

Il participe bien entendu aux courses d’étudiants du corps médical, lequel à cette époque était presque entièrement acquit à la bicyclette. Dès 1892, il adhère à la Société Vélocipédique d’Argenteuil nouvellement crée, avec laquelle, les dimanches matin dès 5 heures, il participe à des excursions de 150 km environ avec de sérieux tirages de « bourre ». C’est ainsi qu’en 1896, il gagne le premier championnat de la faculté.

Dans sa lancée, dès 1898, il fréquente assidûment le vélodrome du Parc des Princes. Il s’y distingue en évoluant avec certains champions de l’époque, domine la course de classement de l’A.V.I., ce qui le fait remarquer par les dirigeants de l’ACATENE avec qui il signe un contrat lui assurant matériel et entraîneurs. Contrat de dupes car cette machine de mauvais rendement ne le mènera, pendant 2 ans, que rarement à la victoire. Si bien que lorsque son frère lui prête la TRIUMPH, il gagne tout sur route, court sur piste le kilomètre en 1’15’’ alors qu’il ne savait pas que le record du monde était de 1’14’’3/5, ce qui vraisemblablement l’a empêché d’essayer de l’améliorer. Peut-être serait-il devenu pro, mais ses études le dirigent alors vers l’internat de l’Hôtel-Dieu d’Orléans.

Le voici établi. Ses visites à sa clientèle terminées, il s’entraîne avec les coureurs tant amateurs que professionnels, en compagnie de son ami RONNEAUX. Après la guerre de 14-18, il se rend chaque jour à son Centre de Culture Physique à vélo, soit au minimum 28 km, mais le plus souvent 40 km car il fait fréquemment un crochet par Longchamp. C’est ainsi que de 1919 à 1939, malgré l’état des routes, les abominables pavés de bois (le pire du pire déclare-t-il) et la voiture à partir de 1925, il fait malgré tout de 15 à 18 000 km par an.

Possesseur d’une voiture, contraint aux sorties du dimanche matin, toujours avec RONNEAUX, il se défonce, rentre sur les genoux, tant et si bien que, la forme revenant, il se décide à faire partie du Club des Ancêtres où il se distingue lors des compétitions et dont il sera le Président jusqu’en 1932. Il fait également quelques courses en tandem.

Le cyclosportif

« Le démon sportif m’a toujours tracassé » avoue-t-il. Comment voyait-il la bicyclette ? et le sport ?

« Bannir le sport du cyclotourisme c’est en détourner les jeunes et certains adultes . Faire du sport, c’est d’abord se divertir, avoir une activité physique désintéressée et librement consentie, à laquelle on ne s’astreint que pour se détourner et se reposer des besognes et tracas quotidiens. Les Pros ne sont pas de vrais sportifs ; ils exercent un art, un métier, pas un sport. »

Pour lui, le meilleur âge pour préparer les futurs cyclos est l’enfance. « Chaque enfant rêve de bicyclette, il ne faut pas les décourager sous prétexte que cela semble dangereux. Si le goût de la nature est peu répandu chez les moins de trente ans, contrairement à l’effort physique, ceux qui se seront “ défoncés ” pendant 10 ans deviendront cyclotouristes. Il convient donc de faire de la propagande en ce sens chez les 40-60 ans qui sont les plus nombreux à ne pas avoir abandonné le vélo ».

En faisant de la bicyclette, « celle-ci n’est pas destinée à mettre à notre service des forces extérieures, mais à utiliser notre propre force, celle de nos muscles ». Il ajoutait : « les sédentaires n’ont aucune idée du plaisir que l’on peut avoir à bouffer des kilomètres », ou encore : « ceux qui se laissent tenter par la motorisation sont appelés à ne plus se mouvoir, à être fiers de devenir de la “viande morte” ». Et il recommandait : « faites de 10 à 15 minutes de home-trainer journellement, vous deviendrez robuste et un souple pédaleur » Et puis, « dans les côtes, pas de braquets de moins de trois mètres et de plus de cinq mètres, et maintenez une cadence de 40 à 110, accessible à tous. Ce n’est pas en diminuant la vitesse qu’on ménage sa fatigue. Ceci étant dit, pour une forme parfaite, il est nécessaire de s’entraîner à fond, de sacrifier les plaisirs que procurent balades et excursions qui sont incompatibles avec la forme. En faisant du cyclotourisme, on n’arrivera jamais au niveau du moindre coureur de 3ème catégorie ».

Partant de ces considérations, il estimait « le jour où il ne me sera plus possible de parcourir 200 km en une journée, je céderai à la décrépitude ». Ce n’est qu’à 75 ans bien sonnés que, ses forces diminuant, il admettra que « 100 km est une distance idéale permettant de contempler ».

Précisons qu’il sut se tenir à l’écart des nombreuses querelles qui agitèrent le monde « cyclo » pour lequel il souhaitait une confédération de nos différentes instances.

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5.

RUFFIER le cyclotouriste

James RUFFIER fut aussi un grand cyclotouriste ! En témoignent des extraits d’articles parus dans les revues spécialisées…

Celui-ci est publié en 1929 dans l’Auto (aujourd’hui l’équipe) : « Voyager ce n’est pas franchir une distance, c’est parcourir une région pour la voir avec soin, l’étudier dans ses aspects, s’intéresser aux mœurs de ses habitants et à la beauté de ses monuments. La bicyclette est un ingénieux perfectionnement de notre façon de marcher. C’est un mécanisme d’une admirable simplicité qui quadruple le rendement de nos muscles locomoteurs, c’est une sorte de bottes de sept lieues. La bicyclette, invention définitive et complète de l’esprit humain, mérite qu’on en use pour voyager. Courir à bicyclette grands et petits chemins, vagabonder à sa fantaisie de villes en villages, à travers forêts, monts et plaines, explorer une région par petites étapes quotidiennes. Du moment qu’il ne s’agit pas de « courir », hommes, femmes et enfants ont plaisir et facilité à pédaler. L’agrément que peuvent avoir de telles randonnées échappe à qui n’en a pas l’expérience. On est gai, optimiste, les colères, énervements se dispersent aux quatre vents… »

Cet autre texte est relevé dans le Cycliste : « Au goût de l’exercice, le cyclotouriste doit associer le goût de la nature. Il faut qu’il s’enchante du spectacle de la miraculeuse diversité qui défile à ses yeux pendant qu’il roule ; il jouit de l’harmonie des lignes, de la mêlée des couleurs du ciel et de la terre, des senteurs des champs et des forêts, des caresses douces ou brutales du vent, des bruits qui s’élèvent, grandissent et s’éteignent à son passage. Il nourrit son imagination et sa réflexion, sa vitalité s’en trouve exaltée ».

Au fil de ses articles, de ses comptes rendus d’excursions, on relève : « Je fus d’abord exclusivement sportif, puis à partir de 30 ans, cyclotouriste, de plus en plus contemplatif, pendant quarante ans, je n’ai pas passé un seul jour sans pédaler, monté que deux ou trois fois en chemin de fer, jamais en voiture. Tous mes déplacements, grands ou petits, je les faisais à bicyclette ».

Ses voyages.

Son premier vrai voyage fut un aller-retour par Reims, Namur, Waterloo, Anvers… pour rendre visite à son oncle. Puis, de 1892 à 1900, avec un léger bagage (environ 4 kg), il parcourt Ardennes, Bretagne, Belgique,…

Médecin, en été, chaque fin de semaine, le samedi après son cabinet, le plus souvent en compagnie de son ami RONNEAUX, il part retrouver son épouse et ses enfants qui passent leurs vacances à Trouville, ce qui représente 440 km, avant de reprendre ses occupations le lundi.

En 1913, toujours en compagnie de RONNEAUX, il fait un magnifique voyage de 15 jours à travers les Alpes. Au menu, le Cormet de Roselend, les Petit et Grand St Bernard, le Glandon, le Galibier, l’Iseran… Rien ne l’arrête, si ce n’est un Tour du Mont Blanc qu’il effectue à pied, mais il se demande avec regret s’il n’aurait pas mieux fait d’y « traîner » sa chère bicyclette.

Photo hommage et souvenir

Puis ce furent ses randonnées à tandem, pour lequel il avait un certain faible. « Ceux qui s’entendent à tandem, s’entendent à toute autre chose… Un voyage en tandem pourrait en ce qui concerne la compatibilité des humeurs servir d’excellente épreuve prénuptiale ! » Ainsi, dès 1903 et pendant 25 ans, avec son épouse, à une époque où le mot cyclotourisme n’existait pas encore, sur des routes abominables où pratiquement personne ne pratiquait le voyage à bicyclette, ils firent d’incroyables randonnées. Ils firent ainsi, en 1905, leur voyage de noces. Par la suite, ils furent vraisemblablement les premiers à franchir ainsi les grands cols des Alpes tant Françaises que Suisses et Italiennes, à parcourir Bretagne, Normandie, Vosges, Côte d’Azur et Pyrénées où, en 1914, accompagnés de leur fils de 10 ans, à bicyclette lui aussi, on les retrouve au Portet d’Aspet, à Aspin, Aubisque, Tourmalet, au Cirque de Gavarnie… Tout ceci nécessitant d’être correctement entraînés, chaque dimanche ils effectuaient environ 150 km autour de Paris. Ils provoquaient parfois étonnement, voire peur ou stupeur !

Puis vint 1926 et ce fameux voyage en Corse. La saleté et la nature des menus corses, les routes épouvantables et surtout la forme éblouissante du docteur eurent raison des forces de son épouse et marquèrent le début du dégoût de son équipière pour ce moyen de locomotion. James RUFFIER se retrouva seul pour ses voyages, jusqu’à l’âge de la retraite qu’il prit à plus de 80 ans. Il a aimé le vélo sous toutes ses formes à l’exception du cyclo-camping auquel il préfère éventuellement le bivouac. « Le vélo, c’est rouler… Monter, démonter le matériel, c’est rogner sur le temps de route, la bicyclette devient alors une sorte de brouette ».

Durant sa carrière, il fit entre 900.000 et 1.200.000 km

Terminons ce chapitre par deux de ses commentaires. Le premier à la suite d’un voyage de 950 km effectué pour Pâques par un temps exécrable (pluie, vent, grêle, froid). Il avait alors 75 ans : « Il est curieux d’avoir réalisé à mon âge une telle entreprise. Elle apparaît à bien des gens comme un défi à toute prudence et même au bon sens, qu’un vieillard affronte de telles fatigues, se trempe de pluie, se refroidisse au vent, grelotte la nuit dans des draps humides, tout en se nourrissant médiocrement au hasard des auberges, il semble que c’est courir délibérément à la mort. Mais je ne crois pas que ce soit par l’inactivité, les régimes délicats, que les vieux se conservent… » Le second, inspiré par une constatation alors que ses forces déclinaient : « Mon âge auquel je ne voudrais pas penser et qu’on me rappelle sans cesse sous prétexte de me féliciter… tes pignons n’ont rien à voir là-dedans, tu es plus vieux d’un an, voilà tout ! ».

Les 90 ans approchant, ses yeux qui ne lui avaient jamais permis de voyager la nuit, l’obligèrent à raccrocher.

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6.

Le fabuleux destin du Docteur RUFFIER
Ce cycliste hors du commun
(en guise de conclusion)

Photo hommage et souvenir

QUELQUES CITATIONS DUES à JAMES RUFFIER …

* Sur le manque de culture générale …« Les esprits instruits agissent comme des robots, ils ne sont plus capables de réfléchir ».

* la richesse… « On veut toujours plus sans être heureux pour autant ».

* le bonheur qui échappe à l’homme moderne… « Il court après, et lorsqu’il l’a obtenu, il en veut un peu plus ».

* L’amateurisme… « Ceux qui même indirectement participent à faire de la Pub… ne sont pas des amateurs ».

* le stationnement … « On gare sa voiture dans la rue. Jadis, quand on voulait un cheval, on s’assurait d’une écurie ».

* « On ne veut plus servir, c’est dégradant. Les domestiques sont devenus gens de maison,les servantes des aides familiales… et pourtant on sert de plus en plus, non à un maître mais à des puissances abstraites, syndicats, partis, entreprises… ».

* « Toute peine mérite salaire, c’est malheureusement de plus en plus la règle des activités humaines ».

* sur les sommes gaspillées par l’ état… « La gabegie… un grand nombre de cantonniers ne sont occupés qu’à de menues besognes qu’ils mènent avec la nonchalance qu’impose leur évidente inutilité » ou sur « les hauts fonctionnaires… qui occupent les avenues du pouvoir, et leur paresse qui entretient la dilapidation des fonds publics ».

Il rédigea de nombreux articles sur les dangers de la route, dans lesquels on peut relever…

Nombre des articles du Docteur RUFFIER sont encore d’une étonnante actualité. Ce cycliste exceptionnel, vraisemblablement le premier médecin spécialisé en culture physique médicale, fut aussi un écrivain et un journaliste de talent. Terminons le portrait en évoquant une dernière fois le cycliste, tour à tour compétiteur, cyclosportif et cyclotouriste contemplatif. Tout ceci à une époque où les routes étaient bien souvent épouvantables, lorsqu’elles n’étaient pas de simples chemins muletiers. Avec une bicyclette de 1900, c'est-à-dire bien éloignée de celles d’aujourd’hui, il a parcouru vraisemblablement un million de kilomètres, peut-être davantage. Ceci tant à bicyclette qu’à tandem, avec le passage de la plupart des grands cols des Alpes et des Pyrénées, dont certains sont encore de nos jours de simples sentiers pédestres.

Oui, James RUFFIER fut bien un cycliste hors du commun, et en outre, par ses recherches et ses écrits, il a marqué à jamais l’Histoire de la Vélocipédie.

http://ct-berruyers.voila.net/grand_bi/gdbi_mars05/ruffier.htm

J. LACROIX
d’ après une documentation due à J. Clément

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Jean-Louis Roche fondateur de la Fédération

Professeur d’Education Physique à Paris 2 et à l’Amicale de l’E.N.A., séduit par les objectifs résolument modernes de la méthode Ruffier.. .Lire la suite Plus d'informations

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